🚴‍♂️ Notre première Desertus Bikus

La Desertus Bikus n’est ni un sort dans Harry Potter ni le nom latin d’une fleur rarissime, mais bien une course d’ultra-cyclisme dont la troisième édition s’est déroulée en Avril 2024.

Le principe est « simple » : 1400km pour traverser l’Espagne et le Portugal, 7 checkpoints, 7 jours max pour arriver en autonomie, et une trace à mapper soi-même pour relier chaque point de passage jusqu’à l’arrivée au sud du Lisbonne.



Flashback, août 2023 : je viens tout juste de rentrer de la Poco Loco Aix-Milan. J’ai kiffé de ouf, mes jambes étaient mortes mais mon petit cœur rempli de joie d’avoir bourlingué en pleine nature. Ma seule hâte était de repartir. On me parle de la Desertus Bikus, on me dit que c’est génial, on me dit que tous.tes les copines et les copains y participent, on me dit que c’est de la vraie régalade terroir, on me dit que c’est la première course de l’année.

Je cède à la pression sociale. Je cède à la pression terroir. Je m’inscris. Toujours avec ce fameux mélange d’excitation et d’appréhension.

« Mais c’est quand même pas hyper rookie friendly, ça ? » me direz-vous. Et vous avez tout à fait raison. Surtout que pour des raisons plus ou moins indépendantes de ma volonté je n’ai pas pu m’entraîner à vélo de août 2023 à mars 2024. Alors autant dire que j’étais pas tout à fait serein à l’idée de devoir soudainement rouler plus de 200km par jour pendant sept jours. Yolo, on y va ✨ au talent ✨ !


Le départ


Cut, vendredi 12 avril. Je viens de déballer mon vélo de ma housse SNCF à Bayonne, que je m’expédie immédiatement par la Poste à Lisbonne avec quelques affaires « civiles » propres. Je rejoins les copines et les copains pour un ride groupé jusqu’à Hasparren, à 30km au Sud de Bayonne, où nous prendrons le départ officiel de la Desertus Bikus à minuit.

En arrivant, je me sens comme un journaliste d’investigation qui se plonge en immersion dans un tout nouvel univers. Un univers pour le moins étrange, irrationnel, qu’il serait véritablement compliqué d’expliquer à quelconque adulte censé qui n’aurait jamais entendu parler d’ultra-cyclisme :

Prés de 300 personnes, réunies dans un hangar complètement vide. Une multi-prise à l’entrée, sur laquelle se chargent des dizaines et des dizaines de petits ordinateurs de bords. Au milieu du hangar, des adultes endormis à même le sol, les yeux bandés, avec une canette de Fanta en guise d’oreiller. Autour du hangar, certaine.s se goinfrent de bières et de pizzas, d’autres de gels concentrés au café, pendant que d’autres tentent une sieste dans le parc municipal à côté. Sur certains visages se lit une excitation extrême, sur d’autres, une petite anxiété.

Qu’est-ce que je fous là, bordel ?
Et moi ? Mon visage. Qu’est-ce qu’il dit ?


Au début excité et heureux de retrouver les copines et les copains, une petite boule de stress s’est progressivement installée dans mon bidou au fil des heures.

En effet, pour des raisons évidentes de masochisme, le départ de la course est donné en pleine nuit, à 00:01. Imposant donc deux options aux participant.es :

Option 01, partir à minuit, rouler une ou deux heures, et s’arrêter au pied des Pyrénées. Faire une bonne nuit, et repartir le lendemain en pleine forme. MAIS, en ayant le désavantage psychologique de ne pas encore avoir traversé les Pyrénées et donc de se sentir « en retard ».

Option 02, partir à minuit, faire nuit blanche et rouler toute la nuit pour traverser les Pyrénées et en chier sa mère. MAIS, en ayant l’avantage psychologique d’avoir bien avancé et de s’être enlevé un sacré morceau de dénivelé sur sa map.

Sous l’impulsion du mentor Rookies ultime Yann Gobert, je décide de choisir l’option 02, en suivant son petit groupe avec Matthieu Prudhomme et Flavien le Kiffeur.

00:01. Le départ est donné. 261 cyclistes s’élancent dans la nuit. Pour des raisons qui m’échappent encore, j’en fais partie. Ma première expérience d’ultra-cyclisme peut commencer.

Chapitre 01 : Ultra-apéro.

Derniers au classement, premiers sur le podium du kiff.

Pour d’autres raisons qui m’échappent encore, j’ai réussi à tenir la nuit blanche pour traverser les Pyrénées. Dans les roues de Yann, Matthieu et Flavien, je m’émerveillais de cette ambiance si particulière : le silence nocturne, juste le bruit des roues libres en descente, des pédaliers qui moulinent en montée. Des lumières rouges et blanches qui clignotent en zig-zag au loin dans les montagnes.

On a pédalé jusqu’à 04:20 du matin, où nous avons trouvé refuge devant une église pour dormir trois heures. Nos premières « vraies » journées peuvent commencer. Et on peut dire qu’elles ont commencé pour le moins « tranquillement ».

Tous amoureux du terroir, on se laisse le temps de pleinement s’immerger dans les paysages et gastronomie espagnols : on s’arrête dans chaque bar à tapas, on avale des litres de bières, on se baigne dans les rivières, on plonge dans les lacs, on s’ajoute des portions gravel non-nécessaires, on dort dans les hôtels. Bref, il ne faut pas chercher bien loin pour trouver l’explication de notre placement dans le classement : nous sommes 242, 243, 244 et 245èmes sur 261.

« Derniers au classement, mais premiers sur le podium du kiff » nous lance Gobert. Amen.

Au fil des jours, je suis absolument subjugué par le boulot incroyable de curation des Checkpoints de la Desertus Bikus. Chaque point de passage est une véritable merveille de terroir que je traverse avec des yeux écarquillés.

Le premier Checkpoint nous a dévoilé le Desert des Bardenas, que nous avons dévoré en gravel comme des enfants. Le second, nous emmène dans les impressionnantes gorges qui longent le Río Gallo. Le troisième : une fabuleuse presqu’îles où se cachent 18 imposantes sculptures creusées à même la roche. Le quatrième, mon préféré, nous a fait longer les falaises de Burujón dans un infini champs de fleurs surréaliste. Un véritable régal de terroir, je vous dis.

Mais bon. Aprés quatre jours passés à dévorer autant de croquettas au jamon que de kilomètres, on a quand même dû se rendre à l’évidence : on va devoir un peu accélerer le rythme. En effet, on était mercredi, et il ne nous restait plus que trois jours pour parcourir 600km et finir la course dans les temps avant samedi 10:00. Or, le billet retour de Gobert et Prudhomme était… samedi 12:00.

Bref, les calculs étaient pas bons. On allait devoir se sortir les doigts.

Chapitre 02 : Ultra-cyclisme.

La Remontada de Los Kiffadores.

C’est donc autour de notre 532ème patatas bravas que Gobert et Prudhomme proposent un plan : après le checkpoint 06, on dîne en ville, on fait des provisions, on se remet en selle, et on roule toute la nuit jusqu’à ce que nos jambes ne nous portent plus.

Je suis GRAVE chaud.

Jamais de ma vie je n’aurais à nouveau l’occasion de « tester » une « vraie » nuit d’ultra-cyclisme en si bonne compagnie. Jamais de ma vie je n’aurais la motivation de faire ça si je n’étais pas dans le cadre d’une course. Jamais de ma vie je serais à nouveau suffisamment épuisé pour prendre des décisions aussi irrationnelles.

Notre cher Kiffeur Flavien ne nous suivra pas – moins pressé par le temps, et déjà habitué des aventures ultra (il paraît qu’il a fait la TCR, même s’il n’en parle jamais), il préfère prendre le temps pour finir tranquillement avec son beau cargo.

Nous nous élançâmes donc dans la nuit, tels trois chevaliers solitaires qui cavalent vers l’inconnu. Et putain. QUEL PLAISIR.

L’ambiance est bonne, les températures sont bonnes, la map est bonne, la nuit est douce. On alterne les sections route et les sections gravel. Sur le bitume, on dévore les kilomètres comme un TGV élancé, chacun dans la roue de l’autre, avec pour seule frayeur un serpent qui a malheureusement bien dû sentir passer nos 6 Hutchinson Touareg 700×42. Sur les sentiers, on bouffe la poussière illuminée par nos frontales. J’ai l’impression d’être dans un film. Mes jambes et mon cœur sont légers. Je suis censé vivre un putain d’enfer, mais je suis sur un putain de nuage.

Grace aux délicieux décalitres de café fourni par les meilleurs stations-services et restaurants routiers ouverts 24/7, on pédale jusqu’à 04:30 du matin. On fait une sieste de deux heures dans un parc municipal, et on repart, après 24h de pédalage au compteur, et an ayant remonté 110 places au classement.

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Les 24h suivantes seront plus douloureuses. La fatigue s’accumule, la température augmente, et les jambes s’alourdissent finalement. Dans ces conditions, difficile de rester groupés. Matthieu et Gobert tracent devant, tandis que j’avance à mon rythme, déterminé à ne surtout pas me mettre dans le rouge, déterminé à surtout continuer de prendre du plaisir. A coups de micro-siestes régulières de 20min, je parviens à faire croire à mon corps et mon esprit que je suis plus ou moins reposé (comme je l’avais studieusement noté dans cette super vidéo de Clément Random dédiée au sommeil en ultra). Après 502km et 39 heures dont 24 en selle, je m’effondrerais finalement pour une dernière nuit dans un parc municipal, à Grândola, à 73km de la lignée d’arrivée.

Ces derniers kilomètres seront dévorés avec le sourire le lendemain matin. J’ai hâte d’arriver, j’ai hâte de retrouver les copines et les copains, j’ai hâte de connaître mon classement. Non pas parce que je me sens soudainement compétiteur, mais parce que je suis fasciné par ce que mon corps vient de me permettre de vivre.

Je finis 194ème sur 261. 1404 km et 13 140 m de dénivelé pédalés en six jours, dix heures et trente-deux minutes. Je ne sais pas si c’est lent ou rapide. Je ne sais pas si c’est impressionnant ou ridicule. Je ne sais pas si c’est important ou futile. Mais je sais que ça me rend fier, heureux et satisfait, de l’avoir fini à mon rythme, sans jamais me mettre dans le rouge, et avec une infinité de nouveaux souvenirs dans la tête.

Je ne sais pas si je suis parti il y a deux jours ou six mois, je ne sais pas si je suis épuisé ou en pleine forme, je ne sais pas si je suis heureux ou déjà nostalgique. Mais je suis surtout véritablement émerveillé par tout ce qu’il se passe dans ma tête et dans mon corps. Jamais notre quotidien nous offre des sensations et des émotions aussi fortes, aussi nouvelles, aussi intrigantes. Et je dois admettre que c’est bien là la puissance de l’ultra-cyclisme.

Je ne suis pas sûr de m’infliger ça à nouveau, mais je n’ai aucun regret d’avoir essayé. Et puis, comme me l’a dit un participant croisé sur la ligne d’arrivée : « Je m’étais pourtant promis que ma précédente Desertus serait la dernière.« 

Alors, à l’année prochaine ?




Du bmx au fixie, en passant par le vélo de route, le velotaff et bien sûr le gravel et le bikepacking, une seule chose m'anime : photographier et partager mes aventures.

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