đŽ La CorrĂšze du Nord
Câest lâhistoire dâune rĂ©gion encore bien trop inconnue pour les gens, un plateau majestueux oĂč la nature vit sa vie tranquillement. Les idiots appellent cela la «diagonale du vide» et les vrais le paradis.
Câest aussi lâhistoire dâun Rookies qui voulait partir de Paris pour rejoindre Tarnac, en CorrĂšze du Nord ou plutĂŽt en Haute-CorrĂšze. 400km de petites voies cyclables et chemins gravels pour rejoindre la famille fraĂźchement posĂ©e dans la maison de campagne. Une premiĂšre aventure en solitaire, sans mon Yannou national tout rĂ©cemment de retour des dĂ©serts hispaniques. Sur le papier, ça ressemblait Ă une belle promenade⊠Sur le papierâŠ
Attrappe moi si tu peux.
Les premiers kilomĂštres sont comme tous les premiers kilomĂštres, jâai lâimpression. On se pose sur le vĂ©lo et on pĂ©dale comme un Ăąne avec le sentiment de dĂ©jĂ kiffer ce quâon sâapprĂȘte Ă vivre. Je suis heureux et je le montre, Ă commencer par cette serveuse de boulangerie qui prendra dans la tronche une bonne humeur digne dâune montĂ©e de MD au Vieilles Charrues (câest un pote qui mâa racontĂ© heinâŠ). Jâavais fait le choix de commencer depuis Fontainebleau pour mâĂ©viter la sortie de Paris un mercredi matin. En quelques mĂštres me voilĂ donc dans la forĂȘt de Fontainebleau pour entendre et voir la nature se rĂ©veiller, le soleil redynamiser les verts. AprĂšs Ă peine 5 km, la chanson âQueenâ de The Blaze semble avoir Ă©tĂ© entendue par une famille entiĂšre de sangliers qui traverse le chemin que jâemprunte Ă toute allure, Ă peine 50m devant moi⊠đ± Quâon se le dise, le fond de mon cuissard sâen souviens encore. Ma pire hantise. Et quand je vous parle dâune famille, je parle dâun jour de NoĂ«l quand les oncles et les tantes viennent avec les cousins et les cousines⊠Une cousinade version sanglier.
Bref, je traverse rapidement la forĂȘt et tout naturellement, lâitinĂ©raire mâamĂšne Ă longer le canal du Loing puis du Briare avant de finir par me connecter Ă la Loire⊠Pas besoin de vous faire un dessin, câest plat. Un lĂ©ger faux plat montant mais imperceptible sur le vĂ©lo. Une de mes grandes craintes Ă©tait de trĂšs vite tomber dans la routine et la monotonie dâune longue ligne droite en bord de canal, mais Ă ma grande surprise je me surprends Ă rouler avec plaisir, Ă croiser pas mal de gens et Ă lĂącher un fameux âBOOOONNNNJOUUUUURâ qui selon une Ă©tude obtiendra 89% de rĂ©ponse. La belle vie. La seule chose que je peux reprocher Ă ce dĂ©but de parcours et le manque de traces Gravel, de chemins cabossĂ©s ou de relief pour mâamuser un peu plus. Pas grave, je mâaccommoderais de ce plan-lĂ , Ă©vitant les nuages de moucherons qui vous rentre dans le nez, la bouche, tous les 30 m.
Ce nâest quâen fin de journĂ©e, aprĂšs 145km et un unique jambon-beurre dans le ventre (vive les jours fĂ©riĂ©s, erreur de Rookie) que je dĂ©couvre ce qui se trame derriĂšre moi. PosĂ© dans ma chambre dâhĂŽtel, je check mon tĂ©lĂ©phone et dĂ©couvre que le Nord de la France est sous dâincroyables intempĂ©ries. En suivant les radars, jâai lâimpression que cette vague de pluie diluvienne me poursuivait depuis le dĂ©but sans que je ne mâen rende compte, sans quâune goutte ne me touche. Au moment oĂč je vois les images dâinondations et de grĂȘles dantesques, le bruit du tonnerre gronde. 20 minutes plus tard, le ciel me tombe sur la tĂȘte, mais trop tard, je suis dĂ©jĂ dans un petit restaurant en train de mâenvoyer une salade de Chavignol avec un verre de Sancerre. CHEH ! đč
Lâerreur de Rookies
Je vais la faire courte, le jour 2 nâest pas la mĂȘme histoire. Il pleut, il mouille⊠Taisez-vous. Je grimpe sur Jupiler, le nom que jâai donnĂ© Ă mon bike depuis sa nouvelle peinture et je me fais une raison. Câest comme la Bretagne, jâaime la Bretagne. TĂȘte baissĂ©e, jâappuie sur les pĂ©dales et je longe encore et toujours des canaux sans rĂ©flĂ©chir. Pour passer le temps et ne pas penser Ă la mĂ©tĂ©o, je lance un Ă©pisode des Baladeurs (Les Others) sur mon enceinte et me voilĂ partie pour non pas un, non pas deux, mais six ou sept Ă©pisodes qui vont mâaider toute la journĂ©e pour ne penser Ă rien dâautre.
Je sors quelques fois de mon canal pour des petits villages, des petits chemins, mais rien de fou fou. Les gens ne semblent pas avoir eu la mĂȘme idĂ©e que moi, et seuls les pĂȘcheurs peuplent ma route et me jettent des regards noirs comme si jâĂ©tais venu pour prĂ©venir tous les poiscailles du traquenard qui les attends. #sauvezwilly. đ
Parlons de choses sĂ©rieuses. Nous sommes mi-journĂ©e et je commence Ă sentir une petite fatigue dans ma cheville droite. Rien dâalarmant et ma premiĂšre supposition et que jâai peut-ĂȘtre roulĂ© bĂȘtement sachant que je nâavais pas dâentraĂźnements depuis plusieurs mois. Je rĂ©duis la voilure et continue mon parcours, la gĂȘne devient progressivement une douleur et je termine la journĂ©e en serrant les dents. Le tendon dâAchille me fait extrĂȘmement mal, mais je continue sans rien dire. ArrivĂ© Ă Montluçon, je dĂ©cide de mâarrĂȘter pour la nuit dans un magnifique B&B HĂŽtel et dâadopter la mĂ©thode Marie Baron, qui consiste Ă entrer et Ă aller directement dans sa chambre avec son vĂ©lo. Assis sur mon lit, impossible de poser le pied. La douche qui Ă©tait censĂ© me rĂ©conforter et me soulager ne fait quâempirer les choses et je termine par aller manger dans un restaurant fast-food situĂ© en face de lâhĂŽtel Ă cloche-pied.
Le lendemain au rĂ©veil, ma cheville a doublĂ© de volume et une boule de la taille dâune balle de ping-pong sâest formĂ©e au-dessus de mon tendon. Clairement, la situation ne semble pas aller en sâarrangeant. Et câest lĂ , Ă ce moment prĂ©cis, que jâai lâidĂ©e de retourner ma chaussure de vĂ©lo pour regarder mes cales SPD⊠Surprise Surprise Motherf**ker ! La cale de la chaussure droite est complĂštement dĂ©saxĂ©e. La voilĂ la rĂ©ponse. Deux jours, 300km a rouler la cheville en dedans sans y prĂȘter attention. Quel Rookie bordel⊠đ
Je re-rĂšgle la chose avec une prĂ©cision que vous me connaissez et je tente de finir cette derniĂšre journĂ©e en serrant les dents. 110km et 1600mD+ Ă faire. Sauf que je pĂ©dale avec la douleur et que lâitinĂ©raire Gravel que jâavais imaginĂ© dans les chemins de la Creuse et de CorrĂšze est complĂštement sous le trauma des derniers jours de pluie. 25km en 2h30⊠Boitant et pataugeant dans des flaques de boues plus grandes que la piscine de ma location dâĂ©tĂ©. Le mental mâabandonne et trĂšs vite, je me pose la vraie question : est-ce que je prends encore du plaisir sur le vĂ©lo-lĂ ?
La rĂ©ponse est non. Jâappelle ma femme qui accepte gentiment de venir me chercher dans un village de la Creuse et je balance illico un message Ă Sophie CuvĂ© pour une Ă©tude posturale et un rĂ©glage complet du vĂ©lo et du cycliste. Le verdict du mĂ©decin est sans appel : tendinite du tendon dâAchille et boule inflammatoire. Valait mieux stopper.
Sur les 400km, jâen aurais bouclĂ© 325. Je reviendrais lâannĂ©e prochaine, promis. Comme quoi la CorrĂšze du Nord est vraiment un territoire difficile dâaccĂšs.