Premier Ventoux pour Les Rookies

36 degrés. Ma peau de rouquin semble ricaner sous mon t-shirt manches longues, tentant de m’échapper de toute forme d’insolation ou de coup de soleil qui me transformerait à l’arrivée en un gyrophare douloureux. Je suis dans le moment de l’effort où on se demande ce qu’on fout là, pourquoi on s’est lancé dans cette idée folle : monter le Mont-Ventoux.

Retour en arrière un jour plus tôt. Sur le quai de la Gare de Lyon, Moz et moi-même commençons le rituel de démontage du vélo. La SNCF restant ce qu’elle est sur la facilité d’accès des vélos, nous développons des skills de plus en plus précis pour compacter nos machines et les faire rentrer dans les trains. À côté de nous, Sophie Gateau termine de tranquillement « housser » son vélo dans un format à la fois stylé et pratique. Comme deux gros nazes, on l’a regarde et l’écoute comme si elle nous présentait un TED Talk sur le voyage en vélo. Elle s’engage sur les Routes Blanches (une course de Nice à Cherbourg) alors que nous, nous avons encore la timidité de dire que nous nous lançons sur notre premier Ventoux.

Wilma x Rookies

Il est évident que l’idée de faire notre premier Ventoux ne nous est pas venue naturellement. En divorce constant avec tout ce qui ressemble à un dénivelé, on peut facilement imaginer ma tête quand le projet s’est mis en place. À la base, c’est encore une fois une histoire de rencontre autour d’une passion, d’idées et de convictions. Après un message sur Instagram, nous organisons notre premier conf’call avec les équipes de Wilma. On savait déjà que le courant allait passer puisqu’on échangeait depuis un moment avec Vicky, la directrice de collection. Les présentations se sont naturellement faites, Céline et Aude nous ont parlé des produits, de leur vision du cyclisme et surtout de la place de la femme dans ce milieu. Pour nous, qui militons pour plus de bienveillance et d’inclusivité dans le cyclisme, nous ne pouvions qu’être enchantés par cette collaboration. Est née alors l’idée d’un évènement co-organisé et baptisé Mont-Ventous.tes : un week-end pour se rassembler, rouler, trinquer, et échanger autour de le place de la femme dans le cyclisme. Et, évidemment, profiter de l’occasion pour organiser un ride Rookies et gravir le Mont-Ventoux tous.tes ensemble. Dans nos têtes on était chaud. Dans nos jambes, un peu moins…

Retour sur la piste. On quitte la gare d’Avignon comme deux petits foufous, sous un soleil éclatant et des températures qui affichent déjà 32°C. On a la journée pour rejoindre tranquillement Malaucène, donc on se dit qu’il serait intéressant de passer par les chemins histoires d’avoir de quoi s’en mettre plein la vue. On ne change pas nos vieilles habitudes (et surtout erreurs) et on prépare une trace Komoot en enclenchant le mode « VTT ». Comme pour les autres fois, les chemins de VTT de la région ne ressemblent pas du tout à ce qu’on peut trouver en Ile-de-France et on alterne rapidement entre randonnée et vélo. Mais un mal pour un bien, les paysages sont dingues, et on ne peut s’empêcher de se dire que c’est une erreur qui en vaut le coup. Sur les coups de 15-16h on arrive dans le village de Malaucène, repère de belges et hollandais se précipitant dans les boutiques de vélos qui pulullent dans les rues pour s’offrir le jersey « Ventoux Finisher » avant même de l’avoir monté. On sent qu’ici le vélo est une religion et qu’il fait bien vivre l’économie locale. Cela peut paraître dérangeant sur quelques points mais en même temps on ne peut s’empêcher de se réjouir de voir le vélo au coeur de cette grosse dynamique. Après deux pintes en terrasse, des retrouvailles avec tonton Gobert et Soso, la rencontre avec Monsieur Drieu et je ne sais plus combien de bière dans un chalet incroyable, il est temps pour moi de fermer boutique et de penser à la journée du lendemain. J’ai les jambes qui tremblent, le ventre qui remue… La pression n’est plus dans mon verre pour une fois.

« Tout à gauche » jusqu’au sommet

Le point de départ (ou plutôt le camp de base) était le Pista Cycling Café, un lieu unique fraîchement ouvert à Bédouin. Un café / concept-store / lieu d’échange pour tout amoureux du vélo, créé et développé par le couple Vicky et Jean-Sebastien. Un camp de base idéal pour le départ de la dizaine de motivé.es qui nous ont rejoint sur cette première édition du Mont-Ventous.tes.

Dans ce groupe, on retrouve de tout : des cyclistes très très expérimentés comme Arnaud Manzinini (fondateur de la Race Across France et du podcast Dans la tête d’un Cycliste), le kiffologue Flavien Slordel (ultra-kiffeur avec un compte instagram qui mérite un Prix Nobel), Yann Gobert (notre tonton qui enchaîne les perf’ et les sorties dans tous les sens et dans tous les sports) ou encore Vicky (qui s’amuse à monter le Ventoux en fixie plusieurs fois d’affilée…). Mais plus que d’avoir des cyclistes expérimenté.es, nous avions la chance d’avoir des gens qui voulait aussi se lancer pour la première fois sur le Ventoux, d’autres qui revenaient le refaire tout en cherchant un groupe ouvert, bienveillant et surtout qui ne se prend pas la tête. L’alchimie entre les gros mollets et les rookies est parfaite !

Le briefing fait par Vicky disait donc vrai… La sortie de Bédouin est un faux-plat qui vous mène à un virage et l’entrée dans la forêt, le vrai commencement du Ventoux. Sous une chaleur qui se fait de plus en plus écrasante, j’accepte ce qui m’attend. Les deux-trois premiers kilomètres de cette grimpette (qui en fait 22 au total) sont assez violents, pas le temps de se préparer ou de dérouler avant d’attaquer, il faut directement y aller et serrer les dents. Les pourcentages de pente augmentent aussi vite que les degrés de chaleur, ce qui me conforte dans l’idée de ne pas avoir pris mon appareil photo (conseil de Gobert pour m’éviter d’avoir ce poids dans le dos surtout quand je vais souffrir).

La clé du succès selon les gens qui nous ont répondu sur Twitter (allez jeter un œil, les conseils reçus sont précieux !) était de prendre son temps et de ne pas partir trop vite. Entièrement d’accord. Je suis d’ailleurs assez satisfait de la manière dont j’ai abordé la journée, me mettant dans une bulle, acceptant d’être parmi les derniers du groupe mais sans jamais lâcher l’affaire. L’idée n’était pas de crever les stat’ mais de me prouver que j’avais le mental pour le faire. Les kilomètres à travers la forêt s’enchaînent et je me rend compte que la chaleur commence à sérieusement attaquer certains. Mon GPS refuse de me donner une vision honnête de où j’en suis sur la montée et reste bloqué au début de l’ascension (ce qui, pour le moral, est vraiment pas simple à accepter) mais je vois se présenter devant moi le chalet Reynard (1417m) ce qui me donne une grosse vague de frissons. Le groupe est déjà là, prêt à reprendre la trace et leur accueil est plus que motivant. Un coca, deux-trois blagues et il faut se re-mobiliser pour la partie la plus compliquée selon moi.

Rookies on the Moon

Nous voilà donc dans la légendaire « phase lunaire ». Une partie du Mont-Ventoux où la végétation a complètement disparu et où le décor devient vraiment incroyable, digne d’un film de syfy. Les pourcentages sont toujours aussi piquants et je vois de plus en plus de cyclistes pousser le vélo, résignés. Encore une fois, malgré la chaleur j’arrive à me convaincre qu’il faut garder une cadence qui me convient et ne pas penser à la fin. En effet, la grande difficulté de cette fin d’ascension est de voir le sommet du Ventoux, d’avoir la sensation qu’il est à portée de main, alors qu’il reste tant à faire pour y arriver. Je pose le pied devant le mémorial de Tom Simpson, décédé ici-même d’une crise cardiaque suite à l’épuisement de cette montée (et quelques produits dans le corps qui ne l’ont pas aidé) durant le Tour de France 67. Dernier effort !

À quelques mètres du finish, on commence à entendre les cris des crews de cyclistes encourageant les autres, comme si on vivait notre propre étape du Tour. « Alllezzzzzz Tober !!!!!!! » Je lève la tête, surpris. Je vois Moz, Gobert et Drieu qui m’hurlent dessus pour mon arrivée. Le reste n’est que pure satisfaction. Et tout ça pour quoi ? Non pas simplement pour coller l’autocollant Rookies sur le panneau du sommet, mais pour se dire que ce qui semble insurmontable ne l’est pas forcément. 3h20 de galères qui s’oublient très facilement dans la longue et incroyable descente vers Sault.

Bien entendu, cette sortie ne s’arrêtait pas qu’à l’ascension du Ventoux : Vicky nous avait préparé une trace magnifique à travers les Gorges de la Nesque pour une boucle qui nous faisait revenir au Pista Café à Bédouin. Plus de 80km à en prendre plein la vue. Une expérience magnifique qui prouve encore une fois les émotions et souvenirs que peut vous donner le vélo. Pinte dans la main, merguez dans l’autre, on commence déjà à parler de la prochaine édition alors je termine simplement ce récit par un « À l’année prochaine ! ».


Véritable "Outdoor Enthusiast" comme ils disent si bien. 📷Photographe et passionné de micro-aventure, je découvre avec bonheur sur le tard le bikepacking et le monde du Gravel. 🚴🏻‍♂️

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