Les Experts Bikepacking : les conseils de Yann Gobert
L’irrésistible paradoxe de l’inconfort
On perçoit une sorte de plaisir dans l’inconfort. C’est quelque chose qui te motive ?
Je me sens vivre quand je fais des trucs comme ça ! Tu sors de ta routine, de ta zone de confort, tu te pousses dans tes retranchements. Franchement c’est une sensation unique ! Il y a aussi des sentiments que tu n’as que quand tu es dans ce genre de situation… Tu kiffes tout, un verre d’eau fraîche peut devenir le paradis quand cela fait des jours que tu n’as que le fond d’un bidon… En vrai tu reviens à des choses simples. Tu re-découvres des choses.
Je me sens vivre quand je fais des trucs comme ça !
Et puis rencontrer des gens, partager avec eux ce genre d’aventures. C’est top de voir un cycliste sur la ligne de départ et de le recroiser quelques jours plus tard sur la trace. Le mec devient ton meilleur ami, parce que vous partagez les mêmes sensations sur l’instant. On se retrouvait, on bouffait ensemble, on s’aidait… C’était génial !
Parmi toutes tes aventures, laquelle a été la plus mémorable ?
L’Atlas Mountain Race ! Course la plus dure, paysages de dingues et les gens trop trop sympas.
Et ensuite, rien à voir avec une course : la Vélodyssée en famille en 2008. Trois semaines pour 600km avec un bébé dans la carriole, la plus grande qui pédalait et ma femme aussi. Et ce qui est beau c’est que les filles m’en parlent encore aujourd’hui ! C’était magique. On s’était motivé car à cette époque-là je faisais beaucoup trop de vélo et je ne passais peut-être pas assez de temps avec ma famille, donc ma femme m’a dit “ Faisons un voyage à vélo ensemble !”.
Est-ce que ça vaut le coup de s’infliger cet inconfort ?
Je n’y vais pas pour absolument me mettre dans l’inconfort ! J’y vais pour finir, pour faire le truc de A à Z et je sais que cela va passer par des moments plus compliqués que d’autres. Mais quand tu sais que tu vas en chier à un moment, tu es plus préparé à l’affronter. Après, il faut savoir avancer à son rythme. Quand tu veux aller au-delà de tes limites, c’est là que tu vas te faire mal ou te dégoûter du truc. Et c’est à ce moment précis que tu perds le mental.
Je l’ai vu surtout sur des courses à pied, quand tu te demandes ce que tu fous là et que tu ne trouves pas la réponse “positive” tout de suite, et bien tu t’arrêtes souvent au prochain ravito. C’est important de savoir pourquoi tu es là et pourquoi tu veux aller au bout. Chacun a ses motivations !
L’AMR ça reste mon plus gros défi et oui ça valait le coup ! Ça dépend vraiment de chacun mais moi je ne me souviens que des bons souvenirs. À croire que j’ai oublié les mauvais !
Sur l’AMR je n’ai jamais voulu arrêter. Ça m’est arrivé d’avoir envie d’une bonne douche après trois jours sous 30°, il m’est arrivé aussi de ressentir le besoin de profiter d’un endroit. Ça c’est compliqué. Car tu as envie de rester un peu, de profiter, de te baigner dans cette belle rivière avec le petit vieux qui roule un énorme spliff… Mais ce qui est excitant c’est aussi le côté course où tu vois des gens te dépasser, ou que toi tu dépasses. C’est un jeu qui t’excite sans te pousser à vouloir “gagner” mais qui me donne envie d’être compétitif, plus par rapport à moi-même que par rapport aux autres.
As-tu un souvenir mémorable de cette aventure ?
Il y en a pleins !
Un soir j’ai dormi dans un oasis où tu avais un petit ruisseau, des petites plantations, des petits jardins. J’avais dormi sur le rebord de la route en posant ma tente tard le soir, j’étais super bien. Le matin je pensais me lever tôt pour faire une très grosse journée. Je me suis effectivement levé tôt, mais au moment du chant de la prière. C’était magnifique ! Le mec chantait hyper bien. Je suis resté une demi-heure de plus en prenant mon petit-déjeuner et en l’écoutant. C’était génial. Et parfois, un simple lever de soleil ou un plat de pâtes au fond des bois après une journée de vélo peut devenir un moment super agréable.
