đŽđ»ââïž La communautĂ© de la Creuse
AprĂšs une aventure en Auvergne rĂ©ussie, nous avons rapidement dĂ©cidĂ© de remettre le couvert. Lâun dâentre nous a des accointances avec la Creuse et tenait beaucoup Ă nous montrer ce bout de terroir. La seule date qui fonctionne est le premier week-end de novembre. Tant pis pour le froid, le rendez-vous est pris. La trace se dessine sur les conseils dâun local et dĂ©jĂ , la magie opĂšre : Dun le Palestel, La Celle dunoise, la cascade du bourg dâHem… On a lâimpression dâĂȘtre en terre du milieu. Ah Si Frodon avait eu Komoot…
S-1 : MĂȘme pas peur
La derniĂšre sortie a poussĂ©e tout le monde Ă sâĂ©quiper, celui qui Ă©tait venu Ă vĂ©lo de route sâest achetĂ© un Gravel, tout le monde Ă un cuissard et tout le monde sâest Ă©quipĂ© pour affronter la pluie. Quâest-ce qui pourrait dĂ©conner ? La rĂ©ponse tient en quelques lettres : Domingo. ContrariĂ©tĂ© mĂ©tĂ©orologique Ă base de vent annoncĂ© Ă 80km/h, mais qui sera finalement balayĂ©e par un « non mais ce nâest pas grave les gars ». DerriĂšre ce climatoscepticisme se cache une autre vĂ©ritĂ© : si ça souffle trop, on trouvera un bar.
J-1 : Les retrouvailles
Comme Ă notre habitude, tout le monde converge des quatre coins de la France le vendredi soir. Je suis chargĂ© de trouver le restaurant, jâouvre Google et tombe sur « La terre du milieu » Ă quelques mĂštres de notre Airbnb. La coĂŻncidence est si belle quâelle me donne envie de pleurer. Il se trouve que le restaurant est dĂ©licieux. « Ici, on a plus de vache que dâhabitants » nous dit le taulier, Ă la fin du repas, il y avait en tout cas une vache de moins en creuse.
Jour 1 : La mer et les poissons
AprĂšs une bonne heure Ă prĂ©parer les vĂ©los et impermĂ©abiliser nos extrĂ©mitĂ©s, nous partons enfin. Cette sensation des premiers coups de pĂ©dales au dĂ©but dâune aventure est incroyable. Cette naĂŻvetĂ©, on ne sait jamais les aventures ou les emmerdes qui nous attendent.
Nous dĂ©couvrons rapidement une rĂ©alitĂ© : la Creuse est un pays qui ne connaĂźt pas le plat. Les vallons sâenchaĂźnent et le D+ sâaccumule vicieusement. On aurait dĂ» sâen douter, la trace ressemble Ă une scie de 80 km, symbole de ce qui attend nos jambes. AprĂšs une grosse demi-heure, la nature sâen mĂȘle. Le vent souffle fort, la pluie tombe Ă torrents, les Gore-tex sont en souffrances… Marc le rĂ©pĂ©tera plusieurs fois « Il pleut la mer et les poissons ».
Fort heureusement sur les coups de 10 h du matin nous faisons un stop dans la belle-famille dâAlban. Je rĂ©pĂšte 10 h du matin. Au menu : Gorgonzola, Ćuf, saucisse, vin blanc et « digeot ». đ”âđ« Dans la Creuse, on sait recevoir, nos cĆurs sont rĂ©chauffĂ©s, nos esprits aussi. Le deuxiĂšme petit-dĂ©jeuner des Hobbits nâest pas une lĂ©gende, et câest magnifique. Les chaussettes ont un peu sĂ©chĂ© Ă cĂŽtĂ© du poĂȘle. Vers 11 h 20, nous dĂ©cidons de repartir. Martin, un petit Rookie en herbe, veut nous suivre, mais dans sa grande sagesse, il se ravisera.
Nous fonçons vers le premier cauchemar. AprĂšs une cĂŽte en queue de peloton, je perds le groupe de vue. Je suis le seul avec la trace et je bifurque donc dans un petit chemin espĂ©rant les rattraper. Spoiler, je ne retrouve plus personne. Pas de rĂ©seau. Petit vent de panique. đ±
Je dĂ©cide de rouler jusquâau village suivant. Sur mon chemin, se dresse une Ă©preuve de taille. Pire quâun nazgul, un passage de 20 minutes (200 de D+) avec le Genesis sur lâĂ©paule. Il faut remonter le long dâune cascade, le sol alterne entre pierre trempĂ©e et boue collante. ArrivĂ© en haut de ce Mordor personnel, je suis Ă deux doigts de jeter lâĂ©ponge. Quand soudain Xavier Niel se rappelle que je lui file 25 ⏠par mois et mâoffre une barre de rĂ©seau. Jâarrive Ă joindre les autres qui ratissent les fossĂ©s depuis une heure pensant que je mâĂ©tais vautrĂ©. On finit par se rejoindre Ă Cuzion. Tout le monde Ă du gravir le vĂ©lo sur lâĂ©paule ce qui aura raison de Victor qui abandonnera la trace pour rejoindre le gĂźte. đ„”
Nous avons un genou Ă terre et prenons une dĂ©cision unanime : raccourcir la trace. AprĂšs 1 km, nous avons une sacrĂ©e surprise. Lors de notre prĂ©cĂ©dente Ă©dition, la trace croisait le tour de France nous obligeant Ă bifurquer. Ce coup-ci, nous croisons le rallye de lâIndre. Des Clio 4 versions Sebastien Loeb qui passent Ă 150km/h devant nous. On en profite franchement, et on redessine une troisiĂšme trace pour Ă©viter de finir encastrĂ© dans une calandre sponso Cofidis. đïž
Alors que nous entrons dans un chemin boueux, la pluie revient sâabattre sur nous. On est au bout du rouleau, plus rien dans les jambes, plus rien dans le ventre (nous nâavons pas trouvĂ© de quoi dĂ©jeuner.) nous refaisons une quatriĂšme trace pour arriver plus vite au gĂźte. Les derniers kilomĂštres sont extrĂȘmes. Alban, qui a de lâĂ©nergie pour huit, va me pousser dans toutes les derniĂšres cĂŽtes. Une main sur son guidon, lâautre sur lâarriĂšre de ma selle. On est Ă 10km/h dans une cote Ă 5 %. Je ne sais pas comment il fait, mais lâoption vĂ©lo Ă©lectrique me sauve la vie alors je ne me pose pas de question.
Enfin, nous passons le panneau « La Celle Dunoise ». Le gĂźte est rustique, on lance tous les chauffages Ă 11, on prend des douches brĂ»lantes et on va sâinstaller au pub du village. Fondu creusois, biĂšres et la planche du pĂ©cheur : jambon, foie et saucisson. Apparemment, on pĂȘche Ă la 22 long rifle ici, mais câest dĂ©licieux alors on se tait et on savoure.
Jour 2 : Le retour des rois
Comme souvent le dimanche, la trace est plus light. AprĂšs une petite frayeur mĂ©tĂ©o oĂč lâon se fera bien arroser pendant une demi-heure le temps revient Ă la normale et nous pouvons savourer et lever la tĂȘte. Les paysages dâautomne sont splendides, les feuilles encore accrochĂ©es aux arbres ont relativement protĂ©gĂ© les singles qui sont bien plus agrĂ©ables que la veille. Comme souvent Komoot nous fait un coup bizarre. 700 de D+ annoncĂ©, 1000 effectuĂ©s. Je peux vous assurer que quand on guette son compteur, lâĆil fĂ©brile, pour savoir si on est enfin tirĂ© du D+, la surprise est un peu salĂ©e.
AprĂšs avoir traversĂ© quelques villages oĂč on nous traite de fous (on sait trĂšs bien que câest un compliment.), nous nous arrĂȘterons Ă Dun le Palestel pour le petit-dĂ©jeuner de 10 h. Ce rythme de Hobbit nous va Ă ravir. LĂ , nous allons goĂ»ter deux spĂ©cialitĂ©es locales : La brioche Ă la viande et le gĂąteau de patates. Un vrai dĂ©lice, on sâĂ©merveille devant les plats, on en profite pour gratter deux trois Astros et un Cash. Un local termine son kir et nous demande ou on va. « Oulah mais ça monte fort lĂ -bas ». On le savait, on avait vu la dent sur le tracĂ©. đ€ą
Profitant dâun rayon de soleil, nous repartons sur nos montures en discutant de cette cĂŽte comme de lâĆil de Sauron. Finalement, Ă force de se monter la tĂȘte, la cĂŽte passera assez facilement. FrustrĂ©s par la veille, nous dĂ©cidons de rallonger un peu la trace par des segments gravel qui sâavĂ©rerons ĂȘtre dĂ©licieux. De retour Ă la souterraine, conquĂ©rant de notre Ă©tat, nous lavons les bĂ©canes Ă lâĂlĂ©phant Bleu avant de nous sĂ©parer.
Ces adieux-lĂ seront faciles, car ils sont dĂ©sormais accompagnĂ©s dâune certitude « on repart bientĂŽt ».