🚴🏻♀️ L’ultra Gravel Tour des Alpes, revisité.
Texte et Photos : Louise Philipovitch et Justin Roy-Brousseau
Nous voilà arrivés à Briançon en pleine canicule, après avoir terminé un beau parcours de gravel depuis Sisteron en passant par le Queyras. Il fait chaud, on se repose à l’ombre en réfléchissant à la suite de notre programme. Nous faisons 5 mois de bikepacking en Europe, et nous prenons le temps de bien explorer les Alpes, car il faut le dire, ces immenses montagnes nous captivent, nous qui habitons au Québec plutôt vallonnés mais sans vrai relief.
Jusque là, nous avons créé nos propres itinéraires dans les Alpes avec les applications Offline Maps et Komoot, en ajustant au fil des recommandations que nous font des personnes rencontrées sur la route. Mais là, par hasard sur internet Justin tombe sur un parcours au nom plutôt alléchant : L’ultra Gravel Tour des Alpes.
L’ultra Gravel Tour des Alpes, c’est quoi? au départ, c’est un itinéraire conçu par Maurienne Tourisme et qui cumule 460 km pour 14 700 mètres de D+, à travers des routes de gravel spectaculaires et des cols mythiques, en traversant les régions de la Maurienne, le Piémont en Italie, la Tarentaise et les Hautes-Alpes.
Quelques modifications rapide du tracé puisqu’on part de Briançon (qui ne fait pas partie du tracé initial), et on se lance! 🏁



Après presque deux mois de bikepacking dans les jambes à traverser les Pyrénées et les Alpes, nos corps sont bien habitués à grimper. Aucune difficulté donc pour passer les premiers cols qui nous amènent en Italie pour rejoindre Sestriere
Il n’en faut pas plus à mon cerveau affamé pour que tous les clichés gastronomiques italiens fassent surface : Gelato, limoncello, Tiramisu… Je me motive à rouler dans la chaleur en me persuadant que le prochain village sera LE village parfait où déguster un Tiramisu. Déception : Sisterre s’avère être une station de ski qui n’a pas été développée avec beaucoup d’amour, aucun glacier artisanal ou petit bistrot sympathique en vue. Pas grave, on décide de continuer la route pour finaliser la première journée dans un endroit moins fréquenté. Et pour le coup, c’est un grand succès : la route de gravel longe une vallée dans laquelle des nappes de brumes s’accrochent aux montagnes, les habitations se font plus rares, et on plante la tente au meilleur moment pour admirer le coucher de soleil sur les monts environnants.
Le lendemain, la route continue de monter pour ensuite traverser plusieurs plateaux alpins. Nous rencontrons des cyclistes qui nous expliquent qu’on a rejoint sans le savoir la route de gravel du mythique Rallye Turino-Nice, pour une des plus belles sections. C’est pour ça qu’il y a autant de bikepackers! Après cette magnifique section qui nous fera passer par le Col Bonnet puis le Colle de Finestre, on redescend dans la vallée avec l’impression qu’un sèche-cheveux nous souffle de l’air chaud sur le visage. Décidément, on préfère rester en altitude!

Le lendemain, première bifurcation par rapport à l’itinéraire initial : au lieu de rejoindre la route fréquentée, on décide d’en suivre une plus reculée et qui passe par des petits villages italiens typiques. Le lacet très escarpé qu’on remonte est difficile, on est obligés d’avancer en danseuse sur plusieurs kilomètres pour monter nos vélos chargés. On rejoint la route qui monte vers le col de Cenis et qui fait partie de mes cols préférés : assez facile, j’ai surtout été séduite par les nombreux bâtiments à l’abandon et anciennes fortifications en ruine qu’on voit le long du chemin. L’impression de visiter un musée à ciel ouvert tout en rejoignant le plateau alpin qui abrite l’immense lac artificiel du barrage. En me renseignant, j’apprends que toutes ces fortifications, très anciennes pour certaines, sont liées à la place stratégique qu’occupait le col de Cenis comme route commerciale puis pour la défense des frontières entre la France et l’Italie. Le barrage, lui aussi, a son histoire, puisque lors de sa construction, un hospice et un prieuré ont dû être engloutis. Une étrange construction en forme de pyramide a été érigée à côté du barrage pour retracer l’histoire de ces bâtiments disparus.
On longe le lac par une route de gravel avec des vues sublimes, puis on redescend par une trace de VTT avec face à un glacier qui se devine à travers les sapins.
Le jour 4 est celui qu’on a le moins aimé, on reste dans la vallée tout le long, principalement sur de l’asphalte, pour rejoindre en pente douce Saint-Michel en Maurienne. Là, surprise, on se rend compte que le Tour de France arrive! La foule est déjà formée, et très vite les nombreux chars publicitaires qui précèdent les coureurs défilent devant nous. Le Parc Astérix, Le Gaulois, la FDJ, la lessive Arielle, et j’en passe : tous nous lancent des bons de réduction, des bonbons, des « cossins » comme on dit au Québec, sur lesquels les gens se ruent en se les arrachant parfois des mains. Je reste en retrait, et c’est Justin qui attend avec impatience les coureurs.
Une fois l’agitation passée , et surtout une fois que la chaleur est retombée, on continue notre journée en commençant la montée vers le Col des Encombres.
On a bien fait de la couper en deux cette montée, on s’en rend vite compte le lendemain alors qu’on sue à grosses gouttes en continuant l’ascension. La pente est raide, très raide! Au début asphaltée avec beaucoup de parties entre 17 et 24 % (si ce n’est plus, j’étais surtout concentrée sur la montée plutôt que sur mon GPS), puis la route se transforme en chemin de terre, tout aussi pentu, avec des grosses roches qui dérapent sous les pneus.



On en a fait beaucoup des cols depuis le début de notre aventure, en portant parfois nos vélos, et pourtant celui-ci nous a semblé être le plus difficile! Mais dès qu’on se retourne pour regarder les montagnes (et reprendre notre souffle), les vues imprenables compensent largement l’effort physique.
On redescend (avec des sections bien piquantes, il faut aimer aller à toute allure sur de la gravel!), On se repose un peu à l’ombre avant d’attaquer le dernier col de gravel de la journée. Arrivés en haut, on fait un petit détour pour rejoindre un refuge baigné dans la lumière du soleil couchant et caché au milieu des épilobes, ces grandes fleurs violettes.
Le lendemain, des randonneurs du coin qui passent par là et avec qui on discute, nous recommandent de modifier notre itinéraire pour éviter de passer par Doucy et emprunter à la place une route de gravel qui monte sur une sorte de crête d’où la vue est imprenable. J’adore m’adapter aux recommandations des locaux : c’est la garantie d’un trajet réussi. Ça ne rate pas cette fois non plus, la route est parfaite et nous atteignons le Col de la Madeleine en ne faisant que 7 km d’asphalte au final!
En plus, surprise, au sommet du col deux Allemands fans du Tour de France nous invitent à prendre une bière à l’ombre de leur van. Meilleure manière de célébrer l’ascension! Le temps de dégriser dans la descente, puis on se lance dans le Col du Glandon dans la soirée.
Ce col est aussi devenu un de mes préférés. Le Mont Blanc au loin, majestueux, et des falaises qui m’évoquent le film Hidden Life de Malick.
On redescend un peu pour planter notre tente face au lac. Une nuit paisible, éclairée par la pleine lune.
Le matin, malheur, on n’a plus assez d’eau pour le café! On remballe nos affaires et on continue la descente jusqu’au prochain village, où une fontaine salvatrice nous permet de préparer le café bien chaud. Mieux réveillés, l’ascension peut commencer : le Pas de la Confession puis les Alpes d’Huez un dimanche. Vous l’aurez deviné, un col célébre combiné à un dimanche matin, on n’était pas les seuls cyclistes! On monte au rythme des félicitations que nous lancent les cyclistes « Great work », « Wow vous êtes loadés », « bravo avec un vélo pareil ça ne doit pas être facile! ». Je rêve un peu de mon vélo de route en carbone qui m’attend sagement à Montréal… Et puis je me dis que faire autant de D+ avec un vélo chargé, c’est sans doute le meilleur entraînement. Enfin, je crois…?

Les Alpes d’Huez ne marqueront pas nos mémoires, trop fréquentées, trop artificielles, on se réjouit de passer le Col de Sarenne dans la soirée. Puis c’est le bivouac avec vue sur les glaciers des Écrins, un torrent frais pour se rincer, que demander de plus?
Je me réveille surexcitée comme une enfant, car je sais qu’aujourd’hui va être une journée fantastique. Au programme, un autre détour qu’on a ajouté à l’itinéraire initial : le Plateau d’Emparis, qui surplombe le parc des Écrins. On commence par une single track sous des cascades impressionnantes, puis on rejoint rapidement une route de gravel qui monte en lacet dans la montagne. Les glaciers qu’on voyait au loin la vieille se dévoilent petit à petit. Immenses, leurs nuances de bleu profond et de glaces rosacées à la surface me fascinent. J’en avait rarement vu d’aussi près, d’aussi grands, et encore moins en étant à vélo. Je savoure ma chance de pouvoir pédaler avec ce spectacle qui défile sous les yeux. Une fois en haut, on rejoint une single track de VTT qui traverse le plateau alpin pour redescendre ensuite. Technique mais entièrement roulable, je la dévale en ne m’arrêtant que pour prendre des photos et éviter des brebis couchées sur le chemin. On continue face au glacier de la Meije, qu’on gardera en ligne de mire jusqu’à rejoindre le village de La Grave où on passera la nuit. Quelle journée! Je m’endors en souriant en me repassant mentalement les paysages de la journée et en imaginant déjà le lendemain.
Dernière journée, et pas des moindres ! Un col mythique encore, le Galibier, qu’on passe rapidement car le gros morceau de la journée nous attend : on amorce une courte descente pour rejoindre une route de gravel qui remonte directement dans la montagne. Le sol, combo gagnant de sable et grosses roches, ne facilite pas la grimpe! Pourtant tout est roulable, sauf peut-être une centaine de mètres trop dérapants, et c’est affamée que je rejoins Justin en haut du Col de Rochille. Pique nique avec vue sur des lacs alpins et des sommets en arrêtes, une petite sieste et on repart. Le début, roulable, se transforme rapidement en hike a bike. Le GR n’est pas aussi roulant qu’on l’aurait espéré, mais la section difficile est relativement courte. Les roches recouvertes de lichen vert me font rêver de menthe à l’eau… Peut-être que c’est juste parce que mes bidons sont vides que je me pense qu’à une boisson?
Le GR se transforme en route de gravel, puis en route d’asphalte, tout en descendant. On finit ce trajet en roulant à toute vitesse : pour une fois que la route ne fait pas de virages en tête d’épingle, on en profite! On arrive à Briançon en un éclair, souriants, heureux de cette nouvelle aventure qu’on vient de compléter.
Infos utiles :
● Nous avons fait le trajet en sens anti-horaire. Le trajet initial de Tourisme Maurienne est prévu en sens horaire et peut se faire selon moi dans les deux sens. Si vous suivez notre itinéraire toutefois, je recommande fortement de faire la boucle dans le même sens que nous, pour éviter d’avoir à pousser le vélo en montée sur plusieurs kilomètres sur le Plateau d’Emparis et sur le GR 57 tour du Mont Thabor.
● Les modifications les plus importantes par rapport à l’itinéraire initial sont le passage par le Plateau d’Emparis puis par le Col Rochille et le GR 57 tour du Mont Thabor. Attention : tout est roulable, sauf une section du GR 57 après avoir passé le Col Rochille, sur 2 kilomètres environ, il faut pousser son vélo mais en descente, ce qui facilite la tâche.
● Les ravitaillements sont très faciles, que ce soit en Italie ou en France.
● Les pneus : des pneus de 40 ou 45 avec crampons mais roulants sont suffisants selon moi. À titre indicatif, nos pneus sont plus épais (29 x 2.4 pour Justin et 27,5 x 2.4 pour moi), mais nous faisons un voyage de 5 mois avec des terrains plus accidentés.
● Hébergement : nous avons dormi en tente chaque nuit, mais le trajet initial créé par Maurienne Tourisme prévoit des arrêts dans des villes ou villages où vous pourrez trouver une chambre.
● Durée : nous l’avons fait les 485 km en 9 jours en prenant notre temps, et l’itinéraire de Maurienne Tourisme est découpé pour faire les 460 km en 8 étapes. Évidemment, les deux trajets peuvent être faits beaucoup plus rapidement!
● Référence du parcours initial : ici









































